Délocalisation Numérique
ILS ONT TUÉ NARCISSE.
Dans l’évolution de l’espèce humaine la frontière du digital peut se considérer l’instrument qui ouvre la connaissance aux nouvelles combinaisons immatérielles infinies en permettant une sorte de “transhumance” anthropologique d’une réalité à une autre: la réalité telle qu’elle nous apparaît et celle qui nous imaginons. Le reflet de sa propre image dans le miroir n’est plus regardé mais pensé. Narcisse ne regarde pas son reflet dans l’eau, Narcisse l’imagine.
La production de l’art au XX siècle s’est nourrie tout particulièrement des progrès de la science. En forçant l’accélération des informations et en engendrant ainsi une multitude d’images et de formes dans une civilisation avide et consumériste.Ceci rend presque impossible l’absence d’une contamination esthétique de nôtre vécu percepteur.
Avec le XXI siècle, la globalisation de l’usage du digital a amplifié de manière exponentielle,l’effet contaminant en produisant plusieurs langages artistiques, véhicules d’idées. Cependant, si l’art est forme d’idées, la multiplication des formes n’a pas en elle même produit une multiplication des idées en engendrant ainsi l’existence de récipients privés de contenu.
Le produit artistique est ainsi fractalisé, décomposé en petites particules unitaires de plus en plus reproduites à l’infini, dans un monde onirique qui risque désormais de l’absorber, en annulant le rêve. La répétitivité n’est pas créativité. Le piège tendu à Narcisse est prêt.
Gérer de manière perceptrice les productions artistiques devient de plus en plus difficile. Tout le monde peut apprécier un Caravage. Peu de monde un Pollock. Mais tous, en regardant l’emballage d’un quelconque petit goûter qui illustre “artistiquement” un contenu complètement différent, on perçoit les mêmes sensations gustatives. L’emballage, la forme et l’image sont ainsi le compendium de tout l’art du XX siècle.
Au XXI siècle l’art doit tendre à être véhicule de renseignements percepteurs, énergie “déconstructrice” de la réalité formelle, instrument d’analyse critique du propre contexte existentiel. Narcisse pourra seulement ainsi voir son visage.